« Il faut suivre une alimentation de bon sens »

Serge Hercberg est professeur de nutrition à la faculté de médecine de Paris et directeur de l’unité nutrition de l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Analyse les raisons qui poussent de nombreux Français à vouloir perdre du poids.

Votre étude montre que le régime devient presque un mode de vie tant chez les femmes que chez les hommes. Est-ce inquiétant ?
S. HERCBERG. On constate que, chez les femmes, près de 30% ont déjà suivi 5 régimes dans leur vie.
9% en ont même fait plus de 10. Cela vient du fait que certaines femmes démarrent un régime dès l’adolescence. Pire, 5% d’entre elles commencent entre 10 et 15 ans. Les hommes s’y mettent plus tard, mais ne sont pas à l’abri : 14% ont déjà fait 5 régimes. Or ces pratiques sont souvent sans succès à long terme. D’ailleurs ce sont les personnes qui suivent les régimes type Dukan ou Cohen qui constatent le plus leur inefficacité.

Quel symptôme cela révèle-t-il ?
Tout se passe comme si le régime devenait une obligation. Les images de corps idéal projetées par les médias parasitent totalement la perception que les gens ont de leur image corporelle. Beaucoup sont prêts à une restriction alimentaire permanente pour approcher cette illusion sans prendre en compte leur capital génétique. Cet objectif minceur renvoie à un côté dynamique. Dans l’esprit commun, le gros a forcément un problème de volonté et il est stigmatisé en tant que tel. Pour échapper à ça, la tentation est de céder à la quête perpétuelle de la minceur qui risque de devenir une course vers la maigreur. Près de 60% des femmes ayant un poids normal, qui ne sont ni en surpoids ni obèses, souhaitent perdre des kilos. Il y a même 9% de filles maigres qui souhaitent peser moins. Un syndrome qui commence à toucher aussi les hommes.

Quelles conséquences cette obsession peut-elle avoir en termes de santé ?
 Les risques liés à cette addiction rejoignent ceux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire. A trop faire de régimes, on s’expose à des carences en vitamines et minéraux, voire à des problèmes cardio-vasculaires plus lourds. Sans indication médicale, il n’y a aucune raison de s’imposer un régime sévère quasi perpétuel. Chez les adolescents, ces pratiques sont d’autant plus contestables qu’elles peuvent engendrer des troubles sur la croissance encore en cours.

Que faut-il préconiser alors ?
 Revenir à la raison! L’étude que nous avons réalisée montre bien que les régimes « coup de poing » ne donnent rien. Exception faite des vrais obèses qui ont besoin d’un suivi particulier, le régime commun suppose de revenir à des principes simples basés sur le bon sens. Si on veut perdre du poids et maigrir durablement, sans reprendre au bout de six mois, il faut manger varié et diversifié en réduisant les quantités, éviter de grignoter et faire du sport. Ne rien supprimer, mais manger moins de tout pour continuer à se faire plaisir est une règle de conduite pertinente.

 Le Parisien

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